Vous écoutez un extrait de la « Rhapsody in blue »
GEORGES GERSHWIN
Né à New York de parents juifs immigrants russes.
Gershwin composa la plupart de ses œuvres avec son frère Ira Gershwin, parolier, à la fois pour Broadway et le théâtre de concert classique, sa musique contenant des éléments provenant des deux univers. Il connut également beaucoup de succès dans l’écriture de chansons populaires.
Parmi ses compositions, beaucoup ont été employées au cinéma, et bien d’autres sont devenues de grands standards de jazz : des livrets ont été enregistrés par Ella Fitzgerald (mémorable enregistrement de 3 disques pour Verve, avec Louis Armstrong et l’orchestre de Nelson Riddle), Herbie Hancock et plusieurs autres chanteurs ou acteurs.
(1898-1919)
Au début des années 1890, les familles de Morris Gershowitz et Rose Bruskin (futurs parents de Georges Gershwin) quittèrent la Russie pour s’établir à New York. À l’époque, le peuple juif était sévèrement opprimé par le régime du tsar Alexandre III; c’est pourquoi nombre d’entre eux préférèrent s’exiler à l’étranger que de courir le risque de devenir victimes des pogroms et des ghettos urbains.
Morris et Rose Gershowitz eurent quatre enfants, dont trois garçons : Israel, ou Ira (1896-1983), Georges (né Jacob), et Arthur (1900-1981) et une fille, Frances (1906-1999). C’est Georges qui adopta le nom « Gershwin » une fois adulte, américanisation qui fut imitée par le reste de sa famille.
L’enfance de Georges Gershwin fut marquée par les nombreux déménagements de sa famille à travers New York, ainsi que par d’ innombrables escapades avec ses amis du voisinage. Il débordait d’énergie, abhorrait l’école, et n’était pas du tout enclin à l’étude.
Avant 1910, quand les Gershwin acquirent leur premier piano, son seul contact avec la musique classique fut par le biais de son ami Max Rosen, futur violoniste de renommée internationale. Mais, dès qu’il s’assit devant l’instrument, Georges jouait avec tant de facilité et de talent naturel que ses parents lui payèrent des leçons. Il étudia avec différents professeurs de son quartier pendant deux ans, avant de faire la connaissance de Charles Hambitzer en 1912, qui devint son mentor jusqu’à sa mort en 1918.
Hambitzer enseigna à Georges les techniques du piano traditionnel, lui présentant les oeuvres des grands compositeurs européens et l’encouragea à assister au plus grand nombre de concerts qu’il pouvait. Georges, en retour, fut un étudiant motivé et enthousiaste, et Hambitzer disait de lui: « J’ai un étudiant qui laissera sa marque en musique […] Le garçon est un génie, il n’y a aucun doute. » En même temps, Georges suivit des cours de théorie et d’harmonie avec Edward Kilenyi, un professeur réputé et ancien élève du compositeur Pietro Mascagni.
C’est en 1914 que sa carrière future se dessina: il fut embauché par Jérome H. Remick and Co., une manufacture de partitions musicales, comme interprète et vendeur de chansons. Il avait à présent sa place dans un cubicule du Tin Pan Alley, pour un généreux salaire de 15 dollars par semaine. Cette décision impliquait aussi qu’il dut quitter l’école de commerce (que sa mère avait insisté qu’il fréquente).
Malgré des conditions de travail désagréables, cet emploi lui accordait une certaine liberté d’interprétation, ainsi qu’une chance d’améliorer sa technique au piano. Entre temps, il produisait des rouleaux pour pianos mécaniques aux Perfection Studios. C’est en 1916 que sa première chanson When you want ’em, you can’t get ’em, when you’ve got ’em, you don’t want ’em fut publiée par le Harry von Tilzer Company et en 1917 qu’il publia sa première pièce pour piano, Rialto Ripples.
Mais, quand il tenta de soumettre une de ses propres chansons chez Remick’s, on lui dit: « ici, tu es un pianiste, pas un compositeur. Nous avons assez de compositeurs à notre disposition. » Après y avoir travaillé trois ans, il quitta Remick’s pour devenir un accompagnateur aux spectacles de vaudeville du Fox’s City Theatre. Lorsqu’une production nécessitait une chanson de plus, Gershwin avait l’occasion de proposer ses propres œuvres. En demeurant anonyme, il ne risquait pas sa réputation. De plus, il put y rencontrer d’excellents compositeurs, tels que Jerome Kern et Victor Herbert. C’est à travers ses nouvelles connections dans le monde musical qu’il obtint le poste de compositeur chez la maison de publication T. B. Harms Co. Son patron, Max Dreyfus, lui offrait une prime de 50$, ainsi que trois sous par copie vendue, pour chacune de ses chansons. Après l’échec de quelques-unes de celles-ci, le musical Good Morning Judge, qui incluait sa chanson I Was So Young, You Were So Beautiful eut un véritable succès en 1919. La Lucille fut le premier musical dont il composa la partition entière, en 1919, mais ce fut la chanson Swanee, reprise plus tard dans la même année par Al Jolson, qui accorda à sa carrière une envergure internationale.
1919-1924
À présent que son nom se faisait connaître à travers New York, les demandes pour ses compositions se multiplièrent. Georges avait réalisé que c’était dans cette direction que se poursuivrait sa carrière, plutôt que vers celle d’un pianiste de concert. Tout de même, il jouait avec grand talent et charisme, son emploi à Remick’s lui ayant appris à improviser et à transposer instantanément. Après le décès de Hambitzer en 1918, il prit quelques leçons avec Rubin Goldmark, tout en poursuivant ses cours de théorie avec Kilenyi. Aux parties, il aboutissait inévitablement au banc d’un piano, entouré de plusieurs belles femmes. Aussi, son frère Ira s’était révélé particulièrement doué pour trouver des paroles se mariant bien aux chansons de son frère. Ainsi débuta un solide partenariat entre les deux écrivains qui dura jusqu’à la mort de Georges.
Entre-temps, la musique de Gershwin se répandait de plus en plus. En 1923, il fut invité à Londres pour y composer et présenter une revue, appelée The Rainbow. Lui, ainsi que sa musique, y furent accueillis chaleureusement, et, après une première visite à Paris, il retourna à New York. Là, il fut engagé par la mezzo-soprano canadienne Eva Gauthier pour l’accompagner dans la deuxième moitié de son concert au prestigieux Aeolian Hall, consistant de chansons populaires américaines, en automne 1923. Le programme, quoique très inhabituel, fut fort apprécié par la foule, qui le reçut avec tant d’enthousiasme que le concert fut répété l’année prochaine. Enfin, Gershwin avait un public connaisseur auquel il pouvait faire entendre sa musique.
Le prochain point tournant de sa carrière arriva peu de temps après, en janvier 1924. Paul Whiteman, un directeur musical que Georges avait rencontré en 1922, annonça dans le journal un concert intitulé What is American Music et que Georges préparait un concerto jazz pour l’occasion. Georges, qui n’avait mentionné cette idée que brièvement à Whiteman deux ans auparavant, se trouva fort dépourvu car il n’avait pas encore entrepris la composition de cette oeuvre, alors que le concert avait lieu dans cinq semaines. Tout de même, après s’être excusé, Whiteman réussit à convaincre Georges de la réaliser. C’est donc le 12 février 1924 que fut présenté son Rhapsody in Blue, sur la scène du Aeolian Hall, avec Georges interprétant les solos du piano. L’oeuvre connut un énorme succès, ébahissant le public, et recevant les louanges quasi unanimes de la part des critiques présents dans la salle. Par la suite, Whiteman mena une tournée de ce concert à travers les États-Unis, mais Georges dut esquiver celle-ci après la prestation à St. Louis. Il devait reprendre ses nombreux autres engagements, notamment la composition des chansons pour la revue anglaise Primrose. Le 8 juillet de la même année, il prenait le bateau pour Londres afin de préparer la première de celle-ci, ayant lieu le 11 septembre. Le réalisateur de Primrose, Alex Aarons, put en même temps accomplir son second objectif: convaincre Fred et Adele Astaire (eux aussi à Londres) de participer à la prochaine production de Gershwin. Celle-ci, intitulée Lady, be Good! fut présentée à New York le 1er décembre de la même année; elle incluait la chanson classique Fascinating Rhythm , entre autres, et fut une splendide réussite, rendant célèbres à la fois les Astaire et les Gershwin.
1925-1937
En 1925 arrivèrent plusieurs nouvelles oeuvres mémorables: le musical Tell Me More joua sur Broadway et à Londres, Gershwin présenta son Concerto en Fa sur la scène du Carnegie Hall, et sa première opérette intitulée Song of the Flame, bien qu’un peu éloignée de son style musical habituel, réussit tout de même assez bien.
Un autre évènement vint couronner son succès: au mois de juillet, son portrait apparut sur la page couverture du Time Magazine; c’était le premier compositeur américain à recevoir cet honneur. Aussi, avec l’argent qu’il avait pu économiser, il put acheter une maison à cinq étages sur la 110e rue, où il s’installa avec sa famille. Les réceptions y étaient fréquentes, et un grand nombre des invités qui arrivaient chez eux leur étaient étrangers. Afin de retrouver un peu de tranquillité, il n’était pas inhabituel pour Georges de louer une chambre à l’hôtel. Il appréciait aussi la solitude que lui apportait la peinture à l’aquarelle, passe-temps pour lequel il était assez doué ; il créa plusieurs portraits et autoportraits au cours des années, et amassa lui-même une collection de tableaux assez importante.
L’année 1928 apporta plusieurs expériences musicales très enrichissantes à la vie de Gershwin: il eut tout d’abord la chance de rencontrer Maurice Ravel au mois de mars, compositeur qu’il admirait grandement. Lorsque Georges lui demanda s’il pourrait lui enseigner la composition, Ravel lui répondit: « Pourquoi seriez-vous un Ravel de seconde classe alors que vous pouvez devenir un Gershwin de première classe ? »
Trois jours plus tard, Gershwin partait pour l’Europe avec sa soeur, Frankie, ainsi qu’Ira et sa femme. Il y fit la connaissance de Prokofiev, Kurt Weill, Lehár et Berg, parmi d’autres; c’est également à Paris qu’il compléta la composition de An American in Paris, une musique à programme incluant dans la partition quatre klaxons de taxis français. La première de cette oeuvre eut lieu au Carnegie Hall de New York, le 13 décembre de la même année.
Après, Gershwin se lança dans la production de plusieurs spectacles musicaux, dont chacun reçut un succès plus ou moins flagrant. Les plus mémorables furent Strike up the Band et Girl Crazy en 1930, recevant 191 et 272 représentations respectivement. Puis, le 5 novembre, Georges partit tenter sa chance à Hollywood, emmenant avec lui Ira et sa femme. Là, il eut la chance d’écrire de la musique pour un des premiers films musicaux Delicious. Son manque de succès fut compensé par celui de son opérette satirique Of Thee I Sing, qui avait débuté quatre jours plus tôt ; celle-ci eut 441 représentations et fut largement acclamée, recevant l’année d’après le prix Pulitzer.
En janvier 1934, il lança une tournée nationale célébrant le 10e anniversaire du Rhapsody in Blue, qui incluait la présentation de sa nouvelle oeuvre, les Variations sur « I Got Rhythm ». Le mois d’après, il était l’hôte de sa propre émission de radio, Music by Gershwin, présentée deux fois par semaine jusqu’au mois de décembre.
Il commença aussi à travailler un opéra folk pour personnages afro-américains; c’était une idée avec laquelle il jonglait depuis longtemps. L’opéra Porgy and Bess débuta en 1935 à Boston et à New York. Quoique très populaire, son authenticité culturelle fut cependant questionnée par des artistes tels que Duke Ellington, qui affirmait qu’« aucun Afro-Américain ne se ferait prendre par Porgy and Bess »
George passa les deux dernières années de sa vie à se présenter en concert et à écrire de la musique pour films, avant de mourir subitement d’une tumeur cérébrale le 11 juillet 1937 à Hollywood.
Il fut inhumé au cimetière de Westchester Hills, dans l’état de New York.